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<TITLE>momoIII.html</TITLE>
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<BODY><BODY TEXT="#00009C" BGCOLOR="#FFFFCE">
<P ALIGN=CENTER><FONT SIZE=5> <SUP>François Barcelo</SUP> <BR>
</FONT><FONT SIZE=6>Première blonde pour Momo de Sinro</FONT><FONT SIZE=4><BR>
</FONT><FONT SIZE=6>Le pire quand on grandit,<BR>
c’est qu’on grandit des pieds</FONT><FONT SIZE=4><SUP><BR>
</P>
<P>Le mois d’août vient de commencer. Il fait beau presque tout le temps, la chaleur est moins étouffante qu’en juillet et les vacances sont loin d’être terminées. Pour Maurice Monette, ce devrait être le moment idéal pour pratiquer son activité préférée: le patin à roues alignées.<BR>
Pourtant, Momo n’est pas content du tout.<BR>
D’abord, il commence à en avoir plein les jambes de rouler toujours sur les mêmes routes. Il connaît par cœur toutes les bosses et toutes les fissures dans la chaussée. Et puis il a plu pendant deux jours la semaine dernière. Les chemins sont couverts de boue échappée des tracteurs qui s’affairent aux récoltes.<BR>
Mais il y a une catastrophe bien plus grande: Momo grandit. En principe, c’est une excellente chose. Le problème, c’est qu’il grandit aussi des pieds. Si ça continue, il faudra qu’il fasse des trous au bout de ses patins pour laisser passer ses orteils.<BR>
Pourrait-il en demander une nouvelle paire à sa mère? Il n’en est pas question: l’école recommence dans deux semaines. Après l’école, c’est l’automne, et après l’automne, l’hiver. «Tu ferais mieux d’attendre l’été prochain», lui dirait Lucie et elle n’aurait pas tort.<BR>
De toute façon, les patins à roues alignées ne sont plus tellement à la mode. La mode, maintenant, c’est la trottinette. L’avantage de la trottinette, c’est qu’on peut grandir des pieds sans avoir besoin d’en acheter une nouvelle presque tous les ans. Mais ça non plus, il ne peut pas en réclamer, avec la rentrée qui approche. L’année prochaine, peut-être, si c’est encore à la mode?<BR>
Ce matin, pour oublier ses malheurs, Momo se plonge dans un livre: une aventure de <I>Klonk</I>, qui le fait bien rigoler. <BR>
Il est installé à la table de la cuisine. Il aime mieux lire avec le livre posé sur la table, entre ses deux bras qui soutiennent sa tête au cas où elle tomberait à force de se remplir de mots.<BR>
Tiens, quelqu’un arrive. Momo reconnaît le moteur de la vieille voiture de monsieur Pacossi et jette un coup d’œil dehors pour voir s’il pleut. Il arrive souvent, les jours de pluie, que le vieux voisin, qui est artiste peintre, vienne lui donner un cours de dessin. Momo a commencé à dessiner et il adore ça — surtout les bâtiments. Il a déjà dessiné une douzaine des maisons et des granges les plus proches de chez lui.<BR>
Non, il ne pleut pas aujourd’hui. C’est pourtant monsieur Pacossi qui sonne à la porte.<BR>
Momo corne la page de son livre, va ouvrir.<BR>
— Bonjour, Momo.<BR>
— Bonjour.<BR>
— Ta mère n’est pas là?<BR>
— Elle travaille, aujourd’hui.<BR>
— Sais-tu si elle a besoin de quelque chose? Je vais à Bougainville.<BR>
Bougainville, c’est la petite ville de l’autre côté de la rivière, en face de Saint-Romain-des-Champs (on dit Sinro pour aller plus vite).<BR>
À Sinro, il y a un supermarché. Mais celui de Bougainville est bien plus gros. Avec plus de choix et des prix plus bas. Quand monsieur Pacossi y va, il offre souvent à Lucie Monette de lui rapporter les choses dont elle pourrait avoir besoin.<BR>
— Je peux lui téléphoner à la Coop, offre Momo. <BR>
Mais monsieur Pacossi écoute à peine parce qu’il n’est pas vraiment venu pour ça. Il a à la main le dépliant du Vélotour des deux rives. Et il est venu demander:<BR>
— Dis donc, Momo, es-tu inscrit au Vélotour?<BR>
— Non, j’ai pas de vélo.<BR>
Le Vélotour des deux rives, c’est une grande virée à bicyclette qui a lieu tous les ans. Elle suit la rivière d’un côté, puis prend le traversier pour revenir dans l’autre direction et traverser encore pour retourner au point de départ.<BR>
C’est dans deux semaines, et le départ se fait à Bougainville. Chaque année, le point de départ et d’arrivée est déplacé, parce que quatre villes et villages se partagent à tour de rôle la tâche d’organiser le Vélotour des deux rives.<BR>
— Ce n’est pas grave, annonce monsieur Pacossi. Dans la remise, j’ai une bicyclette qui ne sert à rien. Tu peux l’avoir, si tu veux.<BR>
Momo ne semble pas très enthousiaste. Monsieur Pacossi croit deviner pourquoi, même si ce n’est pas du tout pour ça:<BR>
— C’est à cause des frais de participation? Je vais les payer pour toi. Mais on ne le dira à personne.<BR>
Il veut dire: «On ne le dira pas à ta mère.» Lucie proteste chaque fois que monsieur Pacossi fait des cadeaux à Momo. Des cours de dessin, ça va. Une bicyclette et de l’argent, c’est humiliant pour une mère qui n’a jamais assez de sous.<BR>
— On lui dira que c’est gratuit, ajoute monsieur Pacossi.<BR>
— Je sais pas, bredouille Momo.<BR>
— Viens au moins voir le vélo, ça ne t’engage à rien.<BR>
</P>
</SUP></FONT></BODY>
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